- Beckius 2024 -

Galerie

Paris, le 5 janvier 1926

 

 

Monsieur Breyer,

 

 

Me voilà de nouveau installé à Paris pour continuer toujours mes études, soit à l’école, soit aux musées.

 

Je vous attendais à Mertert jusqu’au 31 décembre mais comme il faisait toujours un très mauvais temps, j’ai très bien compris que vous ne pouviez pas partir de chez vous.

 

Les tableaux en question, vous pouvez aller les chercher quand vous voudrez, vous les trouverez très aisément. Pour les grands j’ai mis quelques taquets sur la table; les tableaux mis ensemble de cette façon sont mieux protégés.

 

Le vieux Montmartre aura bientôt disparu; malheureusement il sera remplacé par les grattes-ciel sans histoire ni poésie.

 

Ma première visite a été au “Petit Palais” où j’ai admiré surtout les nouveaux plafonds peints par Humbert et Maurice Denis. Comme tableaux j’ai préféré la toile de Gourdault “Pendant la messe” et une autre d¸e Jules Aller “Gros temps au Large”. Ce dernier tableau représente plusieurs femmes qui attendent, après que l’orage a passé, avec leurs enfants anxieusement le retour du père, parti en bateau de pèche, sans doute. Au fond on s’est rassemblé autour d’une croix pour prier pour ceux qui sont encore absents. Plus loin, les maisonnettes de ces pauvres gens qui se détachent déjà joyeusement sur un ciel noir.

 

On ne saurait jamais exprimer une telle merveille avec des mots, surtout que la technique aussi est très bonne.

 

De l’exposition des arts décoratifs il ne reste plus que des débris, exceptées les immenses tours qui ont encadré cette petite ville orientale; mais en revanche on admire de nouveau la belle perspective des deux palais jusqu’au Dôme des Invalides.

 

Je veux en finir en vous souhaitant, Monsieur Breyer, une bonne et heureuse année.

 

Meilleurs voeux de Votre dévoué, bonne année à Madame et Mademoiselles vos charmantes filles.

 

Jean-Pierre Beckius

 

18, rue Ramey, Paris 18ème